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12 décembre 2017 2 12 /12 /décembre /2017 12:18

Si les droits de la femme ont été rédigés par Olympe de Gouges en 1791, ils n’ont été acquis que récemment et restent encore fragiles et menacés. En France, jusqu'à la promulgation de la loi Veil sur l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) en janvier 1975, avorter était un crime lourdement pénalisé. Les médecins et sages-femmes qui le pratiquaient risquaient d'être radiés par le Conseil de l'ordre et donc interdits d'exercice. Les femmes qui n'avaient pas l'argent nécessaire pour aller à l'étranger, avortaient clandestinement. Les interventions pratiquées dans de mauvaises conditions tournaient parfois au drame, provoquant infections, septicémies, hémorragies ou embolies pouvant être mortelles. Les avortées n'avaient aucun recours puisqu'en se faisant connaître, elles risquaient la prison. C'était un acte solitaire vécu dans la détresse et la culpabilité. Les femmes étaient sous la coupe d'une société rétrograde qui, d'un côté condamnait l'avortement comme un crime et de l'autre traitait ses “filles-mères” et leurs “bâtards” comme des parias.

 

                      Manif du 20 novembre 1971 (photo publiée dans "Le Torchon brûle")

 

La “bataille de l'avortement”

C'est sur le terrain et dans les forums animés des années soixante que les militantes prirent conscience que seule la lutte des femmes pouvait faire avancer leur cause : “Un enfant si je veux, quand je veux !”. C'en était trop de ces milliers de femmes sacrifiées sur l'autel de l'hypocrisie religieuse (1) et machiste. C'en était trop des douleurs causées par les aiguilles à tricoter qui perforent l'utérus et fait couler le sang. C'en était trop de la maternité imposée à la suite d'un viol, de la souffrance des enfants non désirés, mal aimés, abandonnés, des femmes frustrées par l'interruption de leurs études et de leur carrière professionnelle. C'en était trop de la violence contre les mineures enfermées par leur famille dans des foyers-prisons “maternels” où elles accouchaient dans le secret et la honte, privées de leurs droits élémentaires. Aux côtés du Mouvement français pour le planning familial, la mobilisation se renforça avec la création de groupes féministes dont le MLF (Mouvement de libération des femmes, en 1969) et le MLAC (Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception, en 1973). Ce dernier fédéra les mouvements issus des féministes, des syndicats et des groupes d'extrême gauche. Des militantes se réunissaient pour apprendre la technique de l'avortement par aspiration et organiser la solidarité des femmes, quelque soit leur milieu social et leur nationalité. La détermination de ces groupes qui se battaient sur plusieurs fronts (2), y compris juridiques (3), permit à la loi Veil de voir le jour. 

 

                        Manifestation du 20 novembre 1971 (photo de Catherine Deudon)

 

État des lieux aujourd’hui

Pour préserver la loi sur l'IVG, la vigilance et la mobilisation sont toujours d'actualité. Près de 40 % des femmes ont recours à l’avortement dans leur vie. Environ 200 000 interruptions volontaires de grossesse sont pratiquées chaque année en France, soit un avortement pour quatre naissances. Ce nombre est resté stable au cours des 30 dernières années. Contrairement aux arguments nationalistes évoqués avant 1975, la légalisation de l’avortement n’a pas eu d’impact négatif sur le nombre de naissances (d'ailleurs la France est le pays européen où l'on fait le plus d'enfants, avec l'Irlande).

Le plus grand danger qui menace aujourd'hui l'IVG vient de la dégradation progressive de sa prise en charge. De moins en moins de médecins sont formés pour pratiquer des avortements, c'est une option facultative qui ne débouche pas sur une activité lucrative et les lobbies anti-avortements sont très actifs, même dans les hôpitaux. La disparition progressive de la gynécologie médicale risque aussi de favoriser les campagnes anti-avortements (les gynécologues ont souvent été à la pointe du combat en aidant les femmes à connaître leur corps et donc à mieux se prendre en charge). Les femmes sont en permanence soumises à une propagande idéologique, comme les remises en cause régulières de l'IVG, du type amendement Garraud (créant un délit d'interruption involontaire de grossesse). Au sein même de l'Union européenne, des dispositions restreignent l'avortement dans des pays comme l'Irlande, le Portugal, Malte ou la Pologne. La France reste très en retard pour l'application des droits des femmes alors que la violence grandit à leur égard. Une autre menace vient du comportement même de femmes pour qui la prise de la pilule n'est pas vécue comme une libération, mais est assimilée à un médicament. Les jeunes filles culpabilisées par un environnement traditionaliste peinent à faire respecter le droit à disposer librement de leur corps, si chèrement acquis par leurs aînées !   

(1) Le Pape et donc l'Église catholique condamnent toujours l'avortement.

(2) “Le manifeste des 343 salopes” déclarant avoir avorté (Appel signé en 1971 par 343 femmes célèbres en faveur de l'avortement libre).

 (3) En 1972 à Bobigny, Gisèle Halimi, avocate, défend une jeune fille de 17 ans, Marie- Claire, accusée d'avoir avorté à la suite d'un viol. Ce procès, rendu public, a eu un impact considérable.

 

Fermeture des hôpitaux Broussais et Saint Vincent de Paul

Le centre d’orthogénie de l’hôpital Broussais était l’un des plus importants de Paris. Près de 70% des avortements y étaient pratiqués par IVG médicamenteuse (en comparaison, la pratique de ce type d’IVG est de 30% en moyenne, en France). L’avortement par aspiration sous anesthésie locale était une autre spécificité de Broussais, alors qu'elle est pratiquée sous anesthésie générale dans la plupart des hôpitaux. De plus, le centre était autonome, n'étant pas rattaché à une maternité comme c'est souvent le cas.

Avec la fermeture de Broussais et St Vincent de Paul, l’avenir de l’IVG est incertain, ces deux hôpitaux assuraient à eux seuls entre 30 et 40% du total des IVG pratiquées dans les AP-HP de Paris.

 

Avorter à la maison

Alors qu'aujourd'hui le droit à l’avortement est entravé par l’engorgement des centres IVG, la loi Aubry autorise la pratique de l’avortement chez soi pour les femmes enceintes de moins de cinq semaines. Cette loi est une avancée importante pour le doit à l'IVG. Votée en 2001, les décrets d'application ont été promulgués en juillet 2004. Elle porte le délai légal de 10 à 12 semaines, supprime l’autorisation parentale et facilite l’IVG médicamenteuse. La “pilule du lendemain” est désormais disponible auprès des infirmières scolaires et dans les pharmacies, sans prescription médicale. Le délit d’entrave à la pratique légale de l’IVG est intégré dans le code pénal. Enfin, la loi supprime les sanctions pénales liées à la publicité en faveur de la contraception ou de l’IVG qui constituaient un obstacle à la politique de prévention des grossesses non désirées et à l’information sur les moyens d’avortement autorisés.

Enfin, la notion de détresse a été supprimée du texte de loi autorisant l'Interruption Volontaire de Grossesse, le 21 janvier 2014, l'IVG devenant un droit à part entière.

Josée-Hélène Couvelaere

 

                    Manifestation du 1er février 2014 en soutien aux femmes espagnoles

 

Manifestation du 23 novembre 2019 pour dénoncer, entre autres, les violences conjugales dont les "Féminicides": femmes tuées par leur conjoint (ou ex conjoint). Il y en a eu 149 en France en 2019. Il y en a des centaines de milliers chaque année dans le monde. 

 

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6 mars 2017 1 06 /03 /mars /2017 18:25

- Réflexions à la veille de la manifestation des femmes du 8 mars -

Une armure de seins et de fesses assure le triomphe de la sexy poulette. Les seins, pointes dressées, sont moulés par le pull à fleur de peau. Les fesses sont galbées par le collant qui épouse leur rondeur provocante. La fente est écartelée par la couture du pantalon bien ajusté, d’une taille trop petite, mettant en valeur le mont de Vénus. Les jambes sont gainées de noir, rehaussées et affinées par de ravissantes bottines. La démarche est entravée par des talons trop hauts, une jupe trop courte, une veste trop cintrée. La taille dénudée dévoile le nombril et, occasionnellement, d’exquises fossettes. La mèche retombe sur l’œil cerné de Kohl. La bouche charnue, est empourprée, d’un rouge flamboyant.

La jeune fille se veut indépendante, mais reste prisonnière d’une image de sex-symbol, troublée, contrainte par le désir de plaire. De plaire surtout à ses copines, à elle-même, plus sinon autant, qu’aux garçons.

Le sourire enjôleur, la sexy poulette se retourne en faisant virevolter ses cheveux. Il arrive qu’elle soit contente quand les garçons murmurent “qu’elle est bonne”, même si elle ne comprend pas exactement ce que cette formule, vulgaire, veut dire, même si elle a conscience que c’est péjoratif et humiliant. N’exister qu’à travers le regard des sots, serait-ce le rêve des poupoules ? Veulent-elles revenir à la sujétion (forcée) de leurs grand-mères ? Sont-elles en pleine régression ? 

J’aime bien la sexy poulette quand elle se rebelle, quand elle fait la nique au niqab, quand elle porte fièrement sa féminité et les valeurs féministes mais je n’aime pas qu'elle tombe dans le piège du machisme. Cette poupoule-là, que fait-elle de la révolte de ses ainées ? Que lui reste-t-il du combat des femmes pour la dignité et la liberté ? Ce combat qui lui permet aujourd’hui de jouir de la totale égalité des droits juridiques, de contrôler sa fécondité, de sortir et travailler sans avoir à demander "la permission de papa, du chéri, du patron" ? Sait-elle que la « liberté n’est jamais acquise » et que la lutte des femmes est loin d’avoir totalement abouti, qu’il reste encore des droits à conquérir : l’égalité professionnelle et des salaires, la parité dans les instances du pouvoir politique et au sein des entreprises, la lutte contre les violences, le harcèlement et les stéréotypes sexistes, pour ne citer que ceux-là (1).

Rappelons que les femmes ont été écartées de la citoyenneté pendant des siècles, et continuent de l’être dans certains pays. Que la société patriarcale les a bâillonnées, séquestrées, empêchées d’aller à l’école, maintenues en infériorité, infantilisées, occultant avec cynisme leur intelligence, dévalorisant leur émotivité et leur humanité. Le droit de vote des françaises ne date que de 1944…Quant au plaisir sexuel des femmes, il est encore bien souvent nié (il n’y aurait que les “salopes” qui jouissent…) : on le souille par la prostitution, le diabolise par la religion, le refoule dans la « morale » bourgeoise, le bafoue dans les écrits philosophiques et religieux. La peur du sexe de la femme a conduit non seulement à la maintenir en quasi esclavage dans un grand nombre de pays mais aussi à l’une des pires barbaries : l’excision du clitoris. Car ce qui est insupportable dans les sociétés qui la pratiquent (les femmes tenant parfois elles mêmes la lame du bourreau) est que cet organe est unique : ce “petit bout de bonheur” (2) ne sert pas à la reproduction mais uniquement à donner du plaisir sexuel et accéder à l’orgasme. L’excision est une mutilation générant une souffrance indicible, une amputation irréversible. Imagine-t-on un seul instant que, pour les hommes, cela équivaudrait à couper une partie du pénis ?

La chasse à la femme comme la chasse à courre? Plus le gibier est beau et galbé, meilleures sont la pâtée et la popularité. On exhibe « sa » femme comme un trophée, une belle cylindrée, et pourquoi ne pas lui flatter la croupe pour montrer qu’elle est bien à vous, votre petite chose. Bien des femmes au cours des siècles ont du se protéger de l'appétit sexuel qui va jusqu’au viol, au déshonneur, à la domesticité, à la mort. Au lieu de contenir et punir la bestialité de certains hommes, c’est sur les victimes que l’on s’est acharné : enfermement dans les couvents, port du foulard et du voile obligatoire, serrage des jambes, abaissement des yeux et de la tête, soumission par la force et la violence, femmes muselées, battues. Quid du « devoir conjugal » ? Les épouses montées et prises avec brutalité. Le corps des femmes que l’on écrase, que l’on pénètre avec violence et maladresse, par méconnaissance, peur, égoïsme, mépris.

La bêtise, le racisme, comme la dignité et la fraternité sont universels. Il y a des “bons” et des “méchants” sous toutes les latitudes, quelles que soient la couleur de la peau, la race ou la religion. Mais le sexe, n’est-il pas l’ultime différence ? Même si « On ne naît pas femme, on le devient » (3), l’appréhension/ la préhension de la vie, l’action, le pour-soi, le développement de la personnalité sont-ils influencés par le sexe ? Les femmes pourraient-elles instituer une société plus juste, plus égalitaire, sans devenir des hommes comme les autres ? Le plus faible niveau de testostérone dans leurs hormones pourrait-il aider à l’élaboration d’une société plus tolérante où l’on ne rechercherait pas que le profit, la domination et le pouvoir ? Bien sûr, il y a des femmes-alibi qui endossent très bien le costume "viril" ("le  pouvoir est au bout du phallus"...symbolique...) Prenons l'exemple de Margaret Thatcher: une femme au service du néo-libéralisme sauvage, une femme pour liquider les services publics, écraser les grévistes et laisser mourir de faim neuf prisonniers politiques...Mieux qu'un mec! Ce serait trop simple s'il n'y avait pas le poids sur chacun-e de nous d'une idéologie qui aliène aussi bien les femmes que les hommes. Mais on résiste et on s'organise pour s'en émanciper!

Nous, les féministes, avons lutté pour l’égalité des droits juridiques, l’égalité dans l’éducation, les jeux des enfants, le travail, etc. De grands progrès ont été faits dans nos pays “démocratiques”, il y a même souvent plus de filles dans les universités que de garçons. Elles réussissent dans toutes les disciplines, y compris dans celles qui sont traditionnellement réservées aux mecs. Pourtant des obstacles subsistent. Les hommes s’accrochent à leurs privilèges, le fameux plafond de verre dans les entreprises par exemple, mais il n’y a pas que cela. L’envie irrépressible de séduction peut conduire la sexy poulette à flirter avec la servilité. Quand elle minaude ou se vautre avec complaisance dans la dévalorisation : “je ne suis qu’une fille” dit la chanson… C’est pourtant si chouette d’être une femme ! Et de prendre du plaisir et de la fierté à le vivre dans son corps et dans sa tête ! Allons ma sexy poulette, bats-toi pour imposer l’application des droits conquis par tes aînées et pour préserver ta liberté ! J’imagine un bataillon de sexy poulettes à la manif du 8 mars, chantant à tue-tête l’Hymne des Femmes :

Nous qui sommes sans passé, les femmes
Nous qui n'avons pas d'histoire
Depuis la nuit des temps, les femmes
Nous sommes le continent noir

Reconnaissons-nous, les femmes
Parlons-nous, regardons-nous
Ensemble on nous opprime, les femmes
Ensemble révoltons-nous

Le temps de la colère, les femmes
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes
Découvrons-nous des milliers!

Pour avoir toutes les paroles de la chanson, ouvrez ce lien :  http://jo-hel.over-blog.com/page-6686718.html 

(1) En France, le salaire des femmes est inférieur de 25% à celui des hommes, en moyenne (chiffres INSEE de 2015). Elles ne représentent que 21.9% des sénateurs, 18,5% des députés, 13.8% des maires et 5% des présidents des conseils généraux. Elles constituent 85% des travailleurs précaires et restent cantonnées dans certains emplois (ex : elles forment 99% des assistants maternels et 98% des secrétaires…et ne sont que 2% parmi les PDG des grandes entreprises). Elles assument encore plus de 75% des tâches ménagères et demeurent les principales victimes de harcèlement et de violences (on évalue à 75 000 les femmes violées chaque année, en France). L’accès aux moyens de contraception et à l’IVG reste fragile, pour en savoir plus sur l’IVG, cliquez sur ce lien :   IVG - LA BATAILLE DE L'AVORTEMENT

Sources : INSEE et Observatoire de la Parité

(2) Le clitoris est méconnu : c’est l’organe le plus sensible qu’on puisse trouver chez l’être humain avec près de 10 000 terminaisons nerveuses ou capteurs de plaisir. Le gland (long d’environ 1 cm) est la seule partie émergée du clitoris qui se prolonge, en profondeur, de deux racines longues de 10 cm qui entourent le vagin et l'urètre. Le gland est également relié à deux bulbes vestibulaires très érectiles, volumineux et longs.

 

                                                   Représentation du clitoris en 3D

 

                               Manif de février 2014

 

3) Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir.

Josée Hélène Couvelaere-Leclercq

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22 janvier 2017 7 22 /01 /janvier /2017 15:12

« La liberté d’aimer n’est pas moins sacrée que la liberté de penser » Victor Hugo. 

Réflexions d’une hétérosexuelle à propos de la fronde conservatrice qui refuse l’égalité des droits aux homosexuels. Avec Galabru, je déclame : « Je suis pour le mariage homosexuel, je ne vois pas pourquoi on devrait épargner quelqu’un parce qu’il est homo… »

Pendant les manifestations contre le mariage des homosexuels et contre l’homoparentalité, nous entendons des discours et paroles haineux, intolérants, mensongers. Parmi les manifestants, il y a beaucoup d’héritiers de la France droitière et extrême-droitière bien incrustée dans notre pays depuis le XIXème siècle : cette France qui a écrasé dans le sang la Commune de 1871 et ses idéaux démocratiques (voir l'article sur le blog), la France anti-dreyfusarde, celle qui s’est élevée contre le droit de vote des femmes, contre la séparation de l’Eglise et de l’Etat , contre le Front Populaire (alors que celui-ci a fait voter des lois progressistes que plus personne ne récuse maintenant). Défile aussi cette France qui était, il y a quelques décennies à peine, contre le divorce, contre le travail des mères, contre la contraception, contre l’avortement, contre les radios libres, en un mot contre toute émancipation et modernisation de la société.

Il y a en particulier quatre choses qui me choquent : l’une est le culot de l’Eglise et de ses représentants, dont les ignobles pratiques de pédophilie durant des siècles sont en train, enfin, d’éclater partout où elle a sévi et qui a l’hypocrisie de s’ériger en modèle de vertu et de morale, allant jusqu’à reporter la suspicion de perversion sexuelle sur les homos. Faut-il rappeler que homosexualité veut dire aimer une personne du même sexe et que pédophile désigne un adulte qui viole un enfant (les procès montrent que les pédophiles sont en très grande majorité des hommes hétérosexuels, mariés, ayant eux-mêmes des enfants).

Le deuxième propos qui m’irrite, c’est l’oubli des orphelins et des enfants abandonnés. Qui les élève ? Il y a forcément des substituts de la fonction maternelle et de la fonction paternelle, qui ne se réduisent pas à la biologie ! Ces enfants sont élevés soit par un seul parent, soit par une autre personne de la famille ou de l’entourage, soit en institution ou à l’orphelinat, soit par des adoptants. Les orphelins deviennent-ils forcément débiles ou délinquants? Non! On sait pertinemment que le mal-être est lié au manque d’affectivité, d’amour, de reconnaissance, de soutien qui sont les principaux garants  du bon développement et de l’épanouissement de l’enfant. Toutes choses qu’un couple homosexuel peut aussi bien apporter qu’un couple hétérosexuel. Et que dire des enfants battus ? Il ne faut pas confondre géniteur (celui/celle qui donne la vie) avec celui/celle qui élève l’enfant. Le « vrai » père, la « vraie » mère est celui/celle qui élève l’enfant, le nourrit, l’aime, l’éduque, l’accompagne tout au long de son apprentissage de la vie. Dans les sociétés dites « primitives » matriarcales, c’était l’oncle utérin qui tenait le rôle du père. Quelque soit le système de parenté, il est fondamental pour le bien-être de l’enfant qu’il connaisse la vérité sur sa filiation et la structure de sa famille. A ce sujet, je recommande un texte très intéressant, écrit par un psychiatre, et qui pourrait être une base de réflexions sur l’homoparentalité. Il s’intitule : « Les fonctions parentales sont asexuées ». Il est accessible dans les Pages de ce blog.

 

La troisième27 janvier 2013 chose qui m’énerve est de voir dans ces manifestations conservatrices et ultra-traditionnalistes tous ces jeunes qui n’ont pas conscience que les droits dont ils jouissent aujourd’hui ont été acquis grâce à celles et ceux qui réclament justement l’égalité pour tous, qui se battent contre toutes les discriminations et qui veulent que les lois de notre pays soient en conformité avec l’évolution de la société. On ne va pas contre l’histoire, surtout lorsqu’elle apporte plus d’égalité, de respect et de liberté.

Enfin, ma quatrième est une question : Les « bleu, blanc, rose » veulent-ils remplacer la bande rouge du drapeau français par du rose ?!!!

Josée Couvelaere-Leclercq

 

G Pride 29 juin 13

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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 17:35

La bande des toits - Un roman jeunesse (de 11 à 111 ans)

 

"L'aventure commence par une balade à Montparnasse* dans les pas des artistes et des écrivains célèbres du quartier. Mais l'ambiance est devenue touristique. Alors mieux vaut poursuivre par les petites ruelles et lieux populaires comme la place Flora-Tristan, l'impasse du Moulin des lapins, la place Jacques Demy. Les investigations de Guillaume, détective engagé par la belle Léna, l'emmènent jusqu'à un squat de musiciens près du jardin mythique des Thermopyles. A partir de là, nous allons prendre de la hauteur et continuer l'aventure par les toits des immeubles d'où la vue est imprenable! Le détective recherche un trésor caché en 1943 par des enfants traqués par les nazis et qui avaient trouvé refuge dans une soupente. En écho à cette histoire, celle, actuelle, de deux petits Philippins sans papiers dont les parents ont été emprisonnés. Après moult péripéties, ils fuient par les toits et découvrent la soupente...La solidarité des habitants et du Réseau Éducation Sans Frontières s'organise...Les enfants vont - ils échapper à leurs poursuivants et retrouver la liberté?

La bande des toits est un roman captivant qui ne manque pas de fantaisie : un être mystérieux aux pouvoirs magiques, un chien héroïque, des chats câlins, des oiseaux batifoleurs, des fantômes...Cavalcades, poursuites au-dessus du vide, voltiges, glissades, tiendront les lecteurs en haleine. Et les toits de Paris, bientôt classés au patrimoine mondial, valent le détour avec leurs terrasses végétalisées et leurs jardins suspendus!"

*Quartier de Paris

Extraits de l'article de Christine Sibre publié dans le journal La Page no 109. La Page est un journal indépendant rédigé et fabriqué par des bénévoles habitant le 14ème arrondissement de Paris.

Roman de Clara Bonnel publié par "Édition du Bout de la rue".

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26 avril 2015 7 26 /04 /avril /2015 19:29

Connaissez-vous l’extraordinaire histoire de « La valise mexicaine » ?

Cette valise, retrouvée au Mexique en 2007, après sa tragique et rocambolesque disparition de Paris, en 1939, contenait des trésors que l’on croyait à jamais perdus : près de 4500 négatifs d’images de la guerre civile espagnole, prises entre 1936 et 1939, au cœur des combats, par trois jeunes reporter-photographes qui se battaient aux côtés des Républicains espagnols et des Brigades internationales. La plus téméraire de ces photographes est Gerda Taro, le plus célèbre est Robert Capa et le plus populaire David Seymour, dit Chim. Ils mourront tous les trois au cours de leurs reportages de guerres : Taro sera tuée en 1937, en couvrant la bataille de Brunete, Capa sautera sur une mine en Indochine en 1954 et Chim mourra en filmant le conflit du canal de Suez en 1956.

 

Valencia juin 1937-photo G TaroLa plupart des clichés, d’un intérêt historique et humain exceptionnel, sont inédits. Ils racontent la guerre d’Espagne sur les lignes de front et dans la vie quotidienne des habitants : portraits de soldats et de civils pris sur le vif, images de destructions de villes et villages, photos de massacres des populations par les fascistes, témoignages de l’occupation des terres par les paysans pauvres, de conseils de villages pour instaurer la réforme agraire, scolariser les enfants, organiser la résistance, etc. Les reportages réalisés sur le terrain sont d’un réalisme saisissant, ils attestent l’importante participation des gens du peuple aux combats alors qu’ils disposaient de très peu d’armes. Beaucoup de paysans et de femmes combattaient avec enthousiasme en première ligne. Aux côtés de portraits de personnes anonymes, on découvre des clichés de Républicains illustres, ou d’artistes et écrivains célèbres comme Ernest Hemingway, Federico García Lorca, Dos Passos ou André Malraux. La valise retrace aussi l’histoire des trois jeunes photographes juifs qui avaient dû fuir leur pays pour échapper à la barbarie nazie, et qui se sont totalement engagés dans la cause républicaine espagnole. En prenant des risques considérables, ils ont voulu alerter le monde et témoigner de l’immense courage de ceux qui se battaient quasiment à mains nues pour sauver la liberté et la démocratie. En filmant les combats au plus près, ils ont inventé le photo-reportage-de-guerre et sont devenus les pionniers de ce genre de journalisme.

La valise contenait également des portraits de Gerda Taro réalisés à Paris au début des années 1930 par Fred Stein.

 

GERDA TARO

G Taro 1936Gerda Taro, née Gerta Pohorylle, est la première femme photographe de guerre, morte au combat. Elle est le symbole même de l’héroïne révolutionnaire : belle, courageuse, tuée en pleine jeunesse sur un champ de bataille. D’origine juive, et poursuivie pour avoir distribué des tracts anti-nazis, elle dut quitter son pays, l’Allemagne. Arrivée à Paris en 1933, elle fréquente d’autres réfugiés, artistes pour la plupart, qui se retrouvent à  Montparnasse et au Quartier Latin. C’est là qu’elle rencontre son futur compagnon, Endré Friedman, qui deviendra le célèbre photographe Robert Capa (c’est Gerta qui invente leurs pseudonymes, plus « accrocheurs »). Ils partent ensemble en Espagne. De l’été 1936 jusqu’à sa mort, le 27 juillet 1937, Gerda Taro accompagnera les Républicains espagnols sur le terrain pour témoigner de leur lutte héroïque contre les troupes fascistes du général Franco, lourdement armées et équipées par l’Allemagne et l’Italie. Ses photos prises dans les rues bombardées et sur les lignes de front font preuve d’audace et de solidarité sans limite avec les défenseurs de la démocratie. Des photos comme arme de combat et de résistance : No pasaran ! Sa mort, si jeune, et dans des circonstances dramatiques (elle fut éventrée par un char) bouleverse le monde. Ses obsèques ont lieu à Paris, en présence de milliers de personnes, le jour de son 27e anniversaire. Le cortège se transforme en manifestation politique. La foule, partagée entre tristesse et colère, crie son exaspération contre les gouvernements qui abandonnent la République espagnole et appelle le peuple à rejoindre les Brigades internationales. Elle ne sera pas entendue et, hélas, quelques années plus tard, c’est presque toute l’Europe qui sera écrasée sous la botte nazie.

Gerda-Taro-Esp-1937.jpg

 

Ce 1er août 1937, la foule qui accompagne le cercueil de Gerda Taro ("la pequena rubia") jusqu’au cimetière du Père Lachaise ne s’est pas trompée en l’élevant au rang de symbole de la lutte anti-fasciste. Sa tombe, décorée par Alberto Giacometti, fut saluée par des milliers d’anonymes, et son éloge funèbre fut prononcé par Pablo Neruda et Louis Aragon.

 

 

L’ETONNANTE EPOPEE DES BOITES PERDUES

En 1939, Robert Capa doit quitter la France précipitamment. Il abandonne dans son studio parisien des boîtes contenant des négatifs et des tirages sur la guerre d’Espagne. Elles seront sauvées par son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois réfugié à Paris. Il raconte : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer mes paquets de films à son consulat pour qu’ils y restent en sûreté. Il a accepté ». A la fin de la guerre, personne ne sait où les négatifs sont cachés, peut-être ont-ils été détruits ; Capa et Chim ne les retrouveront jamais. Alors que tout espoir semblait perdu, les précieux négatifs ont mystérieusement réapparu au Mexique, dans une valise, près de 70 ans après leur disparition !

Si vous avez raté l'exposition, il est encore temps de consulter des archives sur Internet ou dans une bibliothèque, et re-découvrir l’histoire de la légendaire valise ! 

Josée Hélène Couvelaere

 

       Exilés républicains mars 1939 - Bob Capa L'exil 

    Pendant la guerre de 1939-1945, beaucoup d’Espagnols qui s’étaient réfugiés en France après la victoire de Franco et que l’on avait ignominieusement parqués dans des camps d’ « internement », rejoindront la Résistance contre le nazisme.

(photo de Capa, mars 1939)

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 19:37

J’entends des appels et des cris dès mon entrée dans le couloir, un frisson m’étreint le cœur : bienvenue à l’hospice !

Dans les établissements d’hébergement pour vieux, on touche au cœur de l’humanité, à l’essence de l’homme, à sa grande détresse, à son ultime fragilité, à la souffrance, à la mort. Le vieillard handicapé est totalement dépendant du bon vouloir de l’autre, il ne peut pas se changer, ni se laver. Il ne peut pas non plus se nourrir, il bave et s’étrangle. Alors que certains, en état de confusion, appellent leur mère, d’autres sont conscients de leur dépendance, de la perte de leur intimité et de leur dignité. Ils n’ont plus de repères ni d’identité sociale. Ils pleurent, dépriment ou hurlent leur colère et leur désespoir. Les services gériatriques, qu’ils soient des « unités de soins de long séjour » ou des EHPAD, sont, pour la plupart, des mouroirs.

A l’ère du jeunisme et de la chirurgie esthétique il ne fait pas bon être vieux. La majorité des vieillard-e-s sont seuls, abandonnés ou presque, par leur famille. Certains ont de la visite pendant les « congés » ou, au mieux, le dimanche. Comment vivent ces vieillard-e-s pendant la semaine, quelle est leur vie de tous les jours? Peu de gens veulent le savoir. Il est plus confortable et rassurant d'ignorer si, faute de soins et de présence, on laisse un proche dans ses excréments, si on lui donne suffisamment à manger, si on le laisse crier dans son lit. Les personnes âgées dépendantes sont souvent infantilisées et traitées comme des numéros : le numéro de leur chambre ou de leur lit. On parle des vieux, devant eux, comme s’ils n’entendaient pas ou n’existaient déjà plus. On les manipule comme des paquets. Parfois un cri de douleur rappelle qu’ils sont encore vivants. On les « mal-traite » parce qu’ils sont lourds et laids, parce qu’ils énervent par leurs plaintes, parce qu’ils ne peuvent pas se défendre, parce que la vieillesse et la maladie font peur. Primo Lévi, dans un livre terrible demandait « Si c’est un homme » ? (Se questo è un uomo). Certes, les vieux ne sont pas exterminés, mais la question de la cruauté humaine reste posée. Car l’indifférence (réelle ou affichée) à la souffrance et au dénuement, a des effets et des conséquences proches de la barbarie.

On reconnait un-e vieillard-e en souffrance à la façon qu’il-elle a de se recroqueviller lorsque l’on avance la main pour le toucher. Il essaye non pas de parer aux coups (quoique..) mais de se protéger de la maladresse de la personne qui est pourtant censée l’aider mais qui le manipule sans égard, de façon mécanique et qui, probablement sans le vouloir, lui fait mal. Il y a un manque de formation qui entraîne une incompréhension de la relation au malade et à la déshumanisation. Si les médecins, les infirmières et les familles étaient plus présents, les soins seraient valorisés et mieux accomplis.

Les tâches en gériatrie sont difficiles, peu ragoutantes : faire la toilette et changer les couches des personnes âgées est pénible. Ce travail de "nursing", peu considéré et mal payé est assuré uniquement par les aides-soignant-e-s, un personnel à plus de 90% féminin, et à plus de 80% d’origine antillaise ou issu de l’immigration africaine. La plupart d’entre elles réduisent leur service à ces tâches ingrates mais obligatoires, accomplies souvent de façon sommaire par manque de temps, excluant toute relation "humaniste" avec leurs patients. Or le défaut de socialisation et d’humanité génère de la maltraitance. Le fait que les aides-soignantes fassent partie des populations les plus pauvres de notre société, vivant dans des conditions difficiles, souvent loin de leur lieu de travail, peut aussi expliquer le manque d'investissement. Elles exercent cet emploi, faute de mieux. Les jeunes soignants, par exemple, ne s’attardent pas en gériatrie, juste le temps d’obtenir un poste dans un service plus valorisant. De plus, la hiérarchie institutionnelle fabrique de la ségrégation. Les médecins et infirmières sont peu visibles, ils s’occupent essentiellement du soin médical et de la distribution des médicaments, répondant aux plaintes et aux cris par la camisole chimique.

Au manque de personnel et de formation, il faut ajouter la représentation méprisante et gênante de la personne âgée et de ses corollaires: l’incontinence, la confusion, la démence, la décrépitude, la mort. Les vieux sont de plus en plus exclus de la société et considérés guère mieux que des rebuts ou des morts en sursis. Les plus privilégiés, celles et ceux qui peuvent encore marcher ou être poussés dans leur fauteuil peuvent participer à des animations (chansons, musique, cinéma, jeux de société). Malheureusement il y a peu d’animateurs et leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. C’est dommage car ils créent de la convivialité et apportent un peu de gaité et de chaleur.

Quant aux familles, beaucoup se débarrassent de leur proche avec bonne ou mauvaise conscience, en totale conformité avec notre société individualiste. Il est rare d’entendre le rire d’enfants à l’hospice car peu de parents les amènent visiter leur grand père ou leur grand’mère. On ne peut que déplorer la rupture des liens et le manque de solidarité entre les générations. Il y a toute une expérience, un savoir, une histoire des « anciens » qui ne sont plus transmis et perdus à jamais. D’autant que l’absence de relations affectives et sociales accélère la démence. Qui se soucie de la grande détresse des vieux qui se meurent dans une poignante solitude ?

Je ne voudrais pas terminer ce tableau très noir sans rendre hommage aux personnes que j’ai rencontrées, qu’elles soient cadre de santé, médecin, kiné, infirmière, aide-soignante ou animateur, qui tentent, malgré tout, de faire du bon travail dans un environnement plus que sinistre et sinistré. Pourvu qu’elles ne se découragent pas, nous deviendrons tous vieux !

Josée H Couvelaere-Leclercq

Dolores Ibarruri 1978

Notes :

- La maltraitance dans les hôpitaux est dénoncée depuis des années par les syndicats des personnels soignants qui l’attribuent au manque de personnel et à la casse programmée des services de santé. Il manquerait des centaines d’infirmièr-e-s sur l’ensemble des hôpitaux. Les causes sont multiples : le nombre limité de places au concours, les salaires trop bas, la surcharge de travail, les gardes la nuit et le week-end. Les services gériatriques et psychiatriques sont les plus mal lotis, alors que ce sont eux qui auraient le plus besoin de personnels qualifiés. La plupart des aides-soignants en gériatrie n’ont pas de formation appropriée et sont très mal rémunérés.

- Les unités de soins de long séjour en hôpital public sont pourvus, en principe, de services compétents contre la douleur et en particulier en soins de prévention contre les escarres (ce qui est très important pour les personnes paralysées, alitées ou en fauteuil). Certains hôpitaux disposent d'une équipe de personnels para-médicaux (kinés, ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues) qui peuvent apporter du soutien, encore faut-il que l’entourage du malade intervienne auprès du médecin pour obtenir des prescriptions et vérifie leur réalisation, ce qui n'est pas toujours facile. Là aussi la présence et la vigilance de la famille sont primordiales pour que la personne âgée dépendante puisse bénéficier de ces soins.

Les établissements pour personnes âgées dépendantes coûtent cher à Paris: de 2700 à 3000 euros par mois dans le public (en unités de soins de long séjour), de 3800 à 6000 euros par mois dans le privé. Le prix comprend l’hébergement* (chambre et nourriture) et le forfait dépendance (en fonction du type de handicap). Pour l’hébergement, des aides sociales peuvent être obtenues pour les personnes ayant des revenus modestes mais certaines de ces aides doivent être remboursées par la famille (conjoint, enfants, autres) après le décès de la personne, et cela peut vite monter à des dizaines de milliers d’euros. Les patients bénéficient d’une aide pour payer le forfait dépendance en fonction de leurs revenus (APA).

*Le prix de l'hébergement à la journée, en 2012, est 72,27 euros pour une chambre à deux lits et 77,21 euros pour une chambre à un lit dans le service public (APHP). Ce prix varie en moyenne, de 110 à 160 euros, par jour, dans le privé (à Paris). Il faut ajouter à cela le coût du forfait dépendance et, dans le privé, le coût du nettoyage du linge.

Ajout du 29 mai 2013: je viens de voir un documentaire relatant "l'exportation" de vieux en Europe de l'Est et en Asie! Cela se passe en Allemagne mais semble gagner d'autres pays européens: sous prétexte que c'est moins cher, des familles n'hésitent pas à exporter (déporter?) leurs parents ou grand'parents à plusieurs centaines, voire à des milliers de km, dans un pays étranger dont ils ne parlent pas la langue! Imaginez un peu le traitement et le ressenti de personnes âgées dépendantes, loin de leurs familles, sans visites, quasiment abandonnées, ne parlant et ne comprenant pas la langue des gens qui les hébergent et qui sont au plus près de leur intimité. Quels cynisme et inhumanité!

 

Doris Lessing

 

 

 

Photos de quelques "vieux" remarquables, qui sont (ou ont été) plus dynamiques et audacieux que bien des personnes plus jeunes!

 

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 18:08

Je croise dans la rue et le métro des humains qui ressemblent à des robots, sombrement  vêtus, de noir ou de gris. Ils marchent la tête penchée sur leurs pieds, évitent mon regard ou me lorgnent par en dessous d’un air soupçonneux, sinon courroucé.

Sont-ils paranos au point de croire que si on les regarde c’est forcément d’un œil critique ? Sont-ils si nombrilistes ou blasés, qu’ils font semblant de ne pas sentir votre regard ?

Ou alors, ils ont peur ? « le métro mais aussi la rue,  vous savez, c’est dangereux, avec tout ce qui se passe, tout ce qu’ils montrent à la télé ». Pourtant, ces gens se doutent bien que beaucoup de reportages sont fabriqués, bidonnés, juste pour les effrayer. Car il ne leur est jamais rien arrivé, juste un peu de peur au cri d’un enfant, un sursaut au rire d’un ado ou à l’appel strident d’une amie. Non, c’est plutôt le silence qui est pesant, l’indifférence qui est inquiétante, chacun se comportant comme une petite souris rasant les murs. « Ben oui, les jeunes de banlieue sont souvent plus gais et polis que ceusses de Paris ou de Neuilly, mais il ne faut pas le dire ! ».

Ou alors, ou alors, ils sont tellement tristes qu’ils n’osent pas montrer leur visage ravagé par la fatigue, l’anxiété, la morosité, le cafard, la déprime. Leurs yeux éplorés, embués, fuient les vôtres.

La société de consommation, en gavant les uns jusqu’à l’obésité, jusqu’à plus soif, « en leur  en foutant jusque-là », en satisfaisant leurs caprices immédiats, exclut les autres, les plus pauvres, et les jette sur le pavé. Cette société nous déshumanise, brise la convivialité et la fraternité. Le chacun pour soi tue l’humanité. Que nous est-il donc arrivé pour que des millions de gens vivent seuls, souvent dans la peur de l’autre, du voisin, du passant, du collègue, se barricadent dans leur maison, dans leur corps, dans leur cœur. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

C’est dommage que l’on ne se regarde plus, d’un bon gros regard au fond des yeux, pour voir justement ce qu’il y a au fond de ces yeux, ne serait-ce que leur couleur… J’adore détailler les variétés de tons des iris, allant du marron noisette au jaune d’or, du brun doré au vert émeraude, du gris clair au bleu pervenche, du turquoise au myosotis, du violet au chocolat, du brun velouté au noir ébène. Avec toutes les nuances et pigmentations qui se déclinent du centre jusqu’au bord de la prunelle. Il y a une infinité de couleurs qui changent et se métamorphosent avec l’intensité de la lumière. Les larmes et le rire les rendent plus claires et limpides.

Josée Hélène Couvelaere

 

Poème d'Aragon:

"Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer

S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire"

(Re)-Découvrez "Les yeux d'Elsa" en cliquant/copiant le lien ci-dessous pour avoir l'intégralité du poème d'Aragon:

http://jo-hel.over-blog.com/page-2820051.html

 

 

 

 

 

 

 

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25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 17:27

POURQUOI MANIFESTER ?

  19 marsAller aux manifs pour défendre nos valeurs humanistes.

Aller aux manifs pour retrouver le sourire et la joie de vivre.

Aller aux manifs pour chanter, se tenir par la main, se prendre par le bras, se regarder, rire.

Partager un moment de liesse et d’espoir.

Tous ensemble ! Tous ensemble ! Oui !

 

 

Mais qu’est ce qu’on veut à la fin ?

Du respect. De l’écoute. Des réformes justes dans un monde plus égalitaire et solidaire. Défendre nos droits acquis, les renforcer et non les restreindre, en revendiquer d’autres, lutter pour une vie meilleure. Arrêter la souffrance au travail, imposer des horaires conformes au rythme humain, alléger la pénibilité, profiter de son salaire, gagner du temps de loisir. Ce temps de repos que l’on veut écourter sinon supprimer. Construire des crèches sur les lieux de travail pour faciliter l’emploi et les carrières des femmes. Refuser l'expulsion indigne des "étrangers".

Ah, qu’il était commode le temps où les travailleurs mouraient juste avant leur retraite ! C’était tout bénef pour les caisses de l’Etat et du patronat ! On les faisait cotiser toute leur vie sans qu’ils puissent en profiter, juste pour engraisser les autres, les machines et les cadres bien portants qui vivaient plus longtemps! Veut-on nous renvoyer au XIXème siècle ? Supprimer des droits si chèrement acquis par nos mères et grand’ pères ? Et bien non, on refuse ce modèle de société qui veut nous obliger à vivre (survivre ?) dans un monde ultra-libéral, où une minorité de nantis exploite les autres et profite, elle, pleinement de ses richesses. Ces manifestations de l'été et l'automne 2010 traduisent un grand malaise et un rejet de la société libérale que l’on veut nous imposer, au besoin par la force. Nous avons raison de manifester. Il faudrait que des manifestations éclatent dans tous les pays d'Europe, du monde, que l’on soit tous solidaires, on pourrait alors avoir un véritable impact sur les institutions. On pourrait instaurer une autre politique économique, au service de l’être humain.

Un rêve ? Une utopie ? Peut-être, mais il nous aura permis de vivre un instant de bonheur !

manif 19 mars 09 003 

 MAIS ALORS, DIT ALICE, SI LE MONDE N’A AUCUN SENS, QUI NOUS EMPECHE D’EN INVENTER UN ? (Cité dans le Manifeste Utopia)

Ronde des obstiné(e)s avril 2009La ronde infinie des obstiné-e-s

 

J’aime les manifs en chansons : "Debout les damnés de la terre …L’Inter-naationaaale sera le genre humain…" "A la bastille on l’aime bien Nini …" Prenez ga-arde, v'la la jeune ga-arde"...Et alors, t’en connais d’autres ? Mais écoute un peu la foule ! C’est la fête ! Je les sens, je les entends, là, autour de moi, j’ai la fièvre ! On se regarde avec la même excitation, la joie nous submerge, nous porte, nous affole. Vivons à fond ce moment unique, prolongeons cet instant. On l’emportera pendant des jours, des nuits, des années, on le ressassera durant les périodes tristes, ils reviendront, avec l’espoir que tout recommencera, que le grand soir est là, plaisir éphémère, fantasmé, fort comme le désir, fou comme l’amour !

Alors on se met tous à courir, à chanter, à hurler, ça fait du bien, ça explose dans la tête, dans la poitrine, dans la bouche, dans le ventre, les larmes perlent aux yeux, chiche c’est vrai, on y croit mais surtout on le vit, on le partage, on le construit ! Donne-moi la main pour courir et chanter encore !

 

 VIVE LE THEATRE DU SOLEIL

28102010(002) Quelle émotion en découvrant la marionnette de la Justice imaginée par Ariane Mnouchkine et sa troupe de comédien-ne-s. La Justice attaquée par des corbeaux. La Justice étouffée par les escrocs. Blessée à la tête, ensanglantée, tragique, elle trébuche mais les manifestants accourent, l’acclament, la soutiennent. Un orchestre et des citoyens se relayent pour porter des bannières reproduisant des textes de Victor Hugo, Romain Rolland, Rousseau, Shakespeare, Voltaire... Ils l’encouragent et rappellent que le combat pour la justice est universel. Alors elle se redresse, clame sa loyauté au peuple au son des tambours, des chants et des cris de la foule. La Justice, sans la force, triomphe, enfin !

Nous étions heureux de l’entourer et de défiler avec elle. Elle nous a redonné la fierté de nos valeurs, nous, les descendants de la Révolution, de la Commune, de 36, de 68. Et oui on est toujours là…

 Quelques citations reproduites sur les bannières du Théâtre du Soleil :

 Triste spectacle public, On prend tout, on veut tout, on pille tout, On ne vit plus que par l’ambition et la cupidité (Victor Hugo)

 Que l’autorité se borne à être juste, nous nous chargerons d’être heureux (Benjamin Constant)

 On a de tout avec l’argent hormis des mœurs et des citoyens (JJ Rousseau)

 Les frelons ne sucent pas le sang des aigles mais pillent les ruches des abeilles (Shakespeare)

 Quand l’ordre est injustice le désordre est déjà un commencement de justice (Romain Rolland)

 ELLE EST BIENTOT FINIE CETTE NUIT DU FOUQUET’S ? (Le peuple)

2010-10-19 nuit du fouquest's

23092010

 

Et aussi quelques extraits de pancartes/affiches/bannières/ tracts portés ou distribués par des manifestants :

Manifester c’ est exister

Qui sème la misère récolte la colère

Non au développement durable de la misère

Sarko chP1020568ef des racailles de Neuilly

L’insécurité c’est lui !

Le sarkozisme est un affront national

 Retraités pas Maltraités

La peur doit changer de camp

Taxons les profits

Soyons réalistes, les vieux coûtent cher, tuons les !

Nos luttes ont construit nos droits - Nos résignations les détruiront

Vive la grève

Résistance !

 

P1020643

    

052

 

La photo prise devant l'Hôtel de Ville de Paris représente "La Ronde infinie des obstiné-e-s" qui a tourné sans arrêt, jour et nuit, sur la place de la mairie, pendant plus de 1000 heures, de la nuit du 22 mars au 4 mai 2009. La Ronde a aussi tourné dans plusieurs villes en Région. J'ai beaucoup aimé cette forme de résistance et de manifestations organisées par des enseignants-chercheurs, des personnels de l'éducation, des étudiants. Tout le monde pouvait entrer dans la ronde: des badauds, des touristes, des artistes, des ménagères allant faire leurs courses, des parents promenant leurs enfants...Les manifestants protestaient contre les réformes du pouvoir qui veut asservir l'Université à la loi du marché et du fric.   

Josee Helene Couvelaere

 

 

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21 octobre 2010 4 21 /10 /octobre /2010 18:54

 

Poète, romancier, collaborateur aux Temps Modernes, scénariste, secrétaire de Jean-Paul Sartre

André Puig est arrivé à Paris en 1962, un chef-d'œuvre en poche écrit avec la frénésie d'un jeune révolté. Il s’installa rue de l’Ouest, puis rue Asseline d’où il fut expulsé, au début des années 1980, par un propriétaire-promoteur sans scrupule. Arlette Elkaïm-Sartre (1) raconte l’arrivée de Puig à Paris : “En 1960, Sartre reçut un gros manuscrit provenant d’un jeune “blouson noir” d’une cité de la banlieue toulousaine. C’était le récit romancé de sa vie d’adolescent ou plutôt celle de la bande dont il faisait partie. Sans hésiter, Sartre lui a donné son titre : “La Colonie animale” (2). André Puig l’avait écrit à 18 ans. Son sens aigu de la littérature et de la poésie nous avait surpris, car ce jeune homme, issu d’une famille modeste, qui avait fait de la prison, n’avait eu aucun accès à la culture. Il décrivait finement ce sentiment particulier d’amitié inconditionnelle, presque fusionnelle, à l’intérieur du groupe : la bande à l’abri du monde des adultes ; et en même temps sa terreur d’être différent et d’en être exclu. Il glorifiait l’appartenance presque animale à une bande, où il se comprenait à travers les autres et comprenait les autres à travers elle”. Arlette Elkaïm-Sartre ajoute : “Nous avons vu arriver un jeune homme frêle, avec un vieux blouson noir en similicuir, qui roulait un peu les épaules. Il avait lu “Situations I”, le premier tome de critique littéraire de Sartre, et avait eu la curiosité de lire les romans dont celui-ci parlait. Il avait été conquis par ceux de Faulkner et de Dos Passos”. En 1963, Sartre lui propose le poste de secrétaire devenu vacant. Il exercera cette fonction jusqu’à la mort de celui-ci en 1980.

 La rencontre du rebelle et de la poésie

Dans son premier roman, André Puig décrit le désœuvrement, l'ennui jusqu’à la nausée, le désespoir jusqu’à la violence, des jeunes exclus de l'école et de la société. Ils “tiennent les murs”, se bagarrent et cassent des vitrines pour “exister”. La découverte de la littérature et de la poésie lui révèle un autre monde, au-delà de la cité. Puig va dès lors se servir d'elles pour exprimer sa révolte et son mal de vivre. Il a lu Jean Genet, la rencontre du voyou et de la poésie ! Dans ses deux autres romans publiés, Puig décrit de façon poignante l’insatisfaction permanente, la solitude et l’angoisse de vivre. L’influence de Faulkner éclate dans la manière dont il traite ses personnages qui se “sentent” entre eux sans vraiment se comprendre, qui se cherchent sans jamais se trouver. “L'Inachevé” (3) traite de l'impossibilité d'écrire sur le vécu  qui  tourne en rond ou se dérobe.

 L'éblouissement de Mai 68

Les héros de “L'Entre-deux vagues” (4) vivent dans le 14e entre les rues de l'Ouest, du Texel et de Vercingétorix. Ce roman, l'un des plus beaux sur Mai 68 à Paris, évoque les événements vécus par un groupe hétéroclite composé d’une employée, une étudiante, un insoumis et quelques autres qui vont se retrouver soudés à jamais par une expérience extraordinaire. Dans ce printemps en fête, le narrateur entrevoit l'amour et la lutte collective qui pourraient donner un sens à sa vie. Il se rappelle les combats de son père, ouvrier et militant communiste. Comment celui-ci aida des réfugiés républicains espagnols à passer la frontière ou à s'évader du camp de Brens (5) où le gouvernement français les avait enfermés ! Il évoque la dignité propre à ceux qui vivent dans la détresse et dont le combat passe avant tout par la solidarité et s’interroge sur sa propre incapacité à se battre, à surmonter les blessures de son enfance. Pourtant, il participe aux comités de lutte, se joint aux manifestants dans la rue, exalte la liberté et la fraternité comme ultimes recours contre l'injustice et la solitude. Ce printemps flamboyant annonce le grand soir qui renaît à la première grève, éclate dans les poings levés et finira bien par arriver. La lutte et la fête sont alors indissociables.

Mais dans l'après 68, les rêves refluent : “l’encre des lettres s’est mélangée de vin et de larmes”. Pour Puig, la vague se brise dans les bars comme “Chez Mme Renée”, rue de Plaisance, aujourd’hui disparu, où à défaut de vivre dans un monde sans dieu ni maître, on chante en buvant de la bière et du vin. “Viens Jef t'es pas tout seul”. L’alcool joue un rôle de lien, crée une complicité de circonstance avec des gens que l'on ne connaît pas. A la vie, à la mort. Pour Puig, dans les années 80, s'accélère la course éperdue d'un bistrot à l'autre, jusqu'au bout de la nuit, jusqu'à l'ivresse qui annihile les sens et la souffrance. L'aube blafarde que l'on apprivoise avec la première bière. Le 7 janvier, André n'était pas au café. Comme il l’avait écrit dans un de ses poèmes : “Un jour, tu seras là, lumière à ciel ouvert, sans moi”.

Josée Hélène Couvelaere

 (1) Fille adoptive de Jean-Paul Sartre.

(2) Editions Julliard, 1963.

(3) Editions Gallimard, 1970, préface de Jean-Paul Sartre.

(4) Editions Gallimard, 1973.

(5) Camp d’internement dans le Tarn où furent parqués les Républicains espagnols fuyant la dictature franquiste et les Juifs sous le régime de Vichy. 

André Puig est décédé le 7 janvier 2004. Tous ses livres sont épuisés.

 

 

Billet envoyé par Sartre à Puig en 1968… et retrouvé après la mort de Puig, en 2004 :

“Camarade ! J’ai fait ma révolution. Désormais le secrétariat est aboli. Vous devenez, dans mon effort de littérature critique, mon assistant. Sentiments dévoués et socialistes.

JPS

N.B. Le salariat n’étant pas aboli, votre salaire demeure ce qu’il était...”

 

 

Junas juillet 1977 ou 1978, Arlette (à droite sur la photo), Puig et moi. Photo prise par Sartre qui était quasiment aveugle

 

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25 juillet 2009 6 25 /07 /juillet /2009 14:36

Sophie Germain - Une mathématicienne dans la tourmente de la Révolution

 

Peu de rues à Paris portent le nom d'une femme, moins d’une centaine sur près de 5000 ! Le 14e arrondissement ne déroge pas à la règle, puisque je n'en ai dénombré que... six. Aucune avenue, juste deux rues, deux places, une impasse et un carrefour…qu’une femme partage d’ailleurs avec son mari (place Victor et Hélène Basch). Les autres sont Julia Bertet, une actrice de théâtre du XIXème siècle, Flora Tristan, très récente dans le quartier puisque la jolie place portant son nom a été baptisée en mars 2004, Joséphine Baker, dont la place est située près de la gare Montparnasse, pas trop loin de Bobino quand même! Et sainte Léonie, dans une impasse…Il y a bien une rue Marie-Rose, mais sans patronyme. Lénine y habita pendant une partie de son séjour à Paris de 1909 à 1912. J'ai aussi trouvé une impasse Louise et Tony, là encore deux anonymes! Quant aux stations de métro, aucune ne porte le nom d'une femme (1), non seulement dans le 14e mais dans tout Paris, à l'exception, dans le 10e, de l'abbesse Marguerite de Rochechouart de Mont pipeau, accolée par la CMP (ancêtre de la RATP) au révolutionnaire Barbès, pourtant né un siècle plus tard !

 

Mais qui est donc Sophie Germain pour avoir l'honneur d’une rue à son nom?

Il fallut bien des ruses et du courage à cette jeune fille, née en 1776, pour assouvir sa passion des maths, découvertes par hasard en furetant dans la bibliothèque de son père. Les écoles pour filles n'existaient pas et il était inconvenant et vulgaire qu'une femme s’instruise et empiète sur le domaine réservé aux hommes ! Sophie n'a que 13 ans lorsqu'elle commence à apprendre le calcul et la théorie des nombres en étudiant, seule et en cachette, les travaux d'Euler et de Newton. Elle vole des chandelles pour s'instruire la nuit pendant que ses parents dorment. Nous sommes en 1789, les émeutes grondent dans les rues et la Bastille est prise. La marche vers la liberté et la conquête des droits de l’homme vont aider la jeune autodidacte à s’émanciper. Son père, un riche marchand, est un député actif du tiers état de l’Assemblée Constituante. Impressionné par la ténacité de sa fille, il consent à la soutenir.

 

S GermainA 19 ans, Sophie parvient à se procurer les cours de l'Ecole polytechnique (fondée en 1794 mais interdite aux femmes), en empruntant le nom d'un ancien élève, Antoine-Auguste Le Blanc. C'est sous ce pseudonyme qu'elle correspond avec le professeur Joseph-Louis Lagrange et quelques uns des plus grands mathématiciens de son temps, comme Carl Gauss et Legendre. Ses brillants écrits, dont certains sont publiés, l'amènent sur la scène publique et l'obligent à dévoiler sa véritable identité. Par bonheur, la majorité des scientifiques qu'elle côtoie est progressiste et elle intègre le club très fermé des savants de l'époque. Elle doit également cette ouverture à son milieu social : on admettait que les femmes de milieu aisé puissent acquérir une formation scientifique si cela leur permettait de briller dans les salons mondains. Bien que souffrant du manque de base scolaire, Sophie fait une découverte fondamentale en mathématiques pures concernant la théorie des nombres, qui donne son nom à un théorème : “les nombres premiers de Sophie Germain” (2). Cette propriété mathématique est alors la plus importante avancée sur le problème posé par le théorème de Fermat depuis Euler (1738). A partir de 1810, Sophie se consacre à la recherche appliquée. En 1816, elle réussit le concours de l'Académie des Sciences, en apportant une contribution majeure à “la théorie mathématique des déformations élastiques”. Elle est la première femme à assister aux séances de cette vénérable institution où elle se lie d'amitié avec Joseph Fourier, dont elle partage les idées révolutionnaires et la lutte contre les préjugés sexistes et sociaux.

 

Sophie Germain continua ses recherches en mathématiques jusqu'à sa mort. Elle resta célibataire et n’obtint pas de rétribution financière ni de reconnaissance sociale pour ses découvertes. Les résultats complets de ses travaux mathématiques ainsi qu’un essai philosophique écrit vers 1826 furent publiés à titre posthume. Sur la recommandation de Gauss, l'Université de Göttingen lui décerna un titre honorifique en 1830, mais elle mourut d'un cancer avant de le recevoir, en 1831. Témoin du mépris que la société réservait aux femmes, son certificat de décès ne la mentionne pas comme mathématicienne mais comme rentière ! Il faudra attendre le XXe siècle pour que la contribution de Sophie Germain aux avancées en mathématiques soit officiellement reconnue.

 

(1) Louise Michel est la seule femme à avoir donné son nom à une station de métro (qui se trouve sur la commune de Levallois-Perret).

(2) Un nombre premier P est appelé un nombre premier de Sophie Germain si 2P + 1 est aussi un nombre premier.

 

Josée Couvelaere

(Publié dans le journal parisien du 14ème arrondissement "La Page" et dans "Chemins de Traverse").

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18 juillet 2009 6 18 /07 /juillet /2009 12:11

“L’exclusion me pousse à trouver d’autres manières d’utiliser l’univers conforme. Face à ma ligne d’horizon, je m’encre dans le bitume. J’ouvre des fenêtres dans les murs, entre lesquels on voudrait me contenir. En réponse à la ségrégation, je publie ma cité sur les métros” (1)

Ce matin là, en ouvrant mes volets, je me suis attardée sur les graffitis qui venaient d’apparaître en face de ma chambre. Les “graffeurs” de la nuit avaient dessiné une fresque beaucoup plus agréable à regarder que le panneau publicitaire criard planté au coin de la rue. Qui sont donc ces “vandales” qui taguent et disparaissent dans l'anonymat de la ville ? Anonymes ? En fait non, les tagueurs signent leurs œuvres : La plupart des graffitis ne sont même que des signatures. Le nom ou plutôt le pseudonyme du tagueur est parfois suivi du chiffre 1 (pour dire je suis le premier) ou du nom de son “crew” (son groupe ; le vocabulaire des tagueurs est truffé de mots codés d’origine américaine). On graffe seul ou en groupe, sur n'importe quel support trouvé dans la rue, dans le métro, sur des trains, des voitures, des devantures de magasins etc.

Pour en savoir plus, j'ai rencontré Michael, JLD, Martin et Marmotte, des tagueurs qui se référent au mouvement hip hop, né aux États-Unis dans les années soixante-dix et qui s'est développé en France dès les années 80. Culture de la rue, le hip hop est un mode d'expression qui inclut le rap, la danse au sol, le “DJing” et le graffiti. Celui-ci est devenu un véritable phénomène de société par son ampleur et son influence sur le monde artistique, publicitaire et commercial. Des magasins se sont spécialisés dans la vente d’articles pour tagueurs. Il existe un réseau parallèle, des associations et des festivals (musique, cinéma, peinture, graphisme) où les graffeurs se retrouvent et exposent.

 

Le tag, c'est l'art du pauvre, un chemin de traverse

“On commence à taguer vers 12 ans”, me dit Martin. “On baigne dans le graffiti dès notre enfance”, enchaîne Michael. Pour certains, ça passe comme les boutons à l'adolescence, pour d'autres, le graffiti leur fait explorer le monde. Michael raconte : “Derrière un tag il y a souvent un jeune en détresse, c’est un cri. Le tag c'est l'art du pauvre, un chemin de traverse, sauvage, vandale.” “Mais c'est aussi un cri de joie”, s’exclame Marmotte, “taguer est excitant, ç’est une sensation forte, violente, une décharge d’adrénaline qui procure du plaisir”. Michael ajoute : “Tu es content car tu as mis ton nom partout, tu annonces ton existence au monde entier. En même temps, tu sais bien qu'il y a des gens furieux parce que tu as “sali” leur façade.” Il rit, en me confiant : “C'est quand même mieux que de se servir d'un cutter ! Dans la rue, on vit tous ensemble, toutes cultures confondues et on rêve d'être acceptés comme on est, différents.” Les murs sont d'immenses livres offrant des pages vierges et gratuites que chacun s'approprie. “Le tagueur est un crieur public !” Il y a deux sortes de tagueurs, précise Martin : “Le vandale et le graffeur. Le “lettrage” du vandale est simple, minimaliste, en une ou deux couleurs, le chrome est sa couleur fétiche”. Il “crache” son nom sur les murs, sa haine ou son amour, c'est selon, c'est comme la vie avec ses joies et ses violences. Il écrit rapidement pour ne pas se faire prendre, à “l'arrache.”

 

Éclairer Les Murs en 3 D

Les meilleurs et les plus persévérants acquièrent une maîtrise du dessin et du graphisme. Ils font des fresques monumentales, à thème, qui allient le lettrage et le fond, de préférence dans des terrains vagues ou des surfaces privées. En se revendiquant comme mouvement artistique, les graffeurs s'affichent, s'apostrophent, se défient. C'est à qui fera la plus belle fresque ou à qui prendra le plus de risque (en dessinant dans un endroit interdit ou d'accès dangereux). L’objectif est de se montrer, de se faire connaître. “C’est comme dans le sport, il y a un esprit de compétition, d’émulation, chacun veut faire mieux que l’autre”, dit Marmotte. La construction d’une grande fresque en 3D, par exemple, peut durer des semaines. “Les chantiers de La Bélière, du lycée boulevard Raspail ou des zac Montsouris et Didot ont été des paradis pour les tagueurs du quartier”, remarque Martin. Les enceintes et les matériaux entreposés offrent d'excellents supports. “On escalade la palissade et, là, on est à l'abri des regards, on peut graffer pendant des heures sans être dérangé. En plus, il est rare que des plaintes soient déposées. Sur un terrain vague, ça ne dérange personne et c'est éphémère.” Le métro est un lieu très prisé continue Martin : “Les tunnels sont une véritable galerie où le graffeur va répéter son nom à l'infini, mais il est très risqué d'y pénétrer.” Les tunnels et les couloirs diffusent les “news” : “On voit qui a tagué, on y déchiffre des messages, l'info circule et alimente les papotages sur les “célébrités” comme Trane “qui a retourné Paris”, Zeus “qui dessine les ombres”, Smat le “vandale” ou sur les “anciens” comme Mode 2, O’Clock, Mao….” Marmotte me parle “des filles qui se sont fait un nom dans cet univers macho” : Fafi, Miss Van, Miss Tic, parmi les plus connues. Martin déplore que le mouvement ait été récupéré, que les graffeurs ne soient plus aussi revendicatifs et dénonciateurs d'injustice qu’au début. “Le graffiti s'est embourgeoisé, il faut de la thune pour acheter le matériel. Une bombe de peinture coûte cher, et pour faire une fresque, il en faut beaucoup ! ” Des magasins spécialisés vendent toute la panoplie du tagueur : marqueurs, bombes, encre, revues, vidéos, masques, vêtements, et même une tenue “camouflée” style militaire ! Il enchaîne sur la mode “street wear”: beaucoup de jeunes s’habillent de sweaters ou autres accessoires décorés de graffitis.

 

“Amour” a fait le tour du monde

JLD, l'auteur de ce tag, est devenu célèbre. Ce message, qui a le mérite d'être clair, s’est répandu après l'attentat du 11 septembre 2001. “Je taguais aussi des mots comme persévérance, confiance, prudence et je dessinais des fleurs de lotus. Depuis 2001, j'inonde le pavé et les trottoirs du mot “Amour”. En fait, ce n'est pas vraiment un tag, on graffe à la verticale, moi, c'est à l'horizontale !” “J’écris par terre, sans être vu, car le message est plus fort s'il est découvert lorsque l’on marche dessus.” “Regardez” me dit-il “je m’offre à la rue”. Il met aussitôt un genou à terre et déclame : “Je m'agenouille pour écrire Amour, c'est un acte de soumission”. JLD est étonné de l'impact de ce mot. “ Des gens me demandent un autographe, d’autres prétendent que je leur ai sauvé la vie ! ” Des films et des reportages ont permis à “Amour” de faire le tour du monde. D'ailleurs, il est imité, il y a une “contrefaçon”. Mais JLD s'en moque : “J'ai des apprentis qui taguent pour moi, ils contribuent à mettre de la lumière sur les trottoirs.” Il ajoute, mystique : “J'aide les êtres humains à trouver leur voie dans l'univers, je suis un saint civil, j’aime donner.” JLD est aussi peintre et poète. Il anime des séances de slam* à l'Entrepôt : “La plus belle scène de Paris”, me confie-t-il avec plaisir. “Avec le slam, on entend les bruits de la rue, les politiques devraient écouter !”

 

Une fresque sur le droit de vote des étrangers

Michael demande: “Pourquoi est-ce qu'on ne nous laisse pas des murs, des lieux où l'on pourrait s'exprimer librement ? On paye bien des architectes pour faire de grosses saloperies sur des murs pourris qui se dégradent vite à cause de la médiocrité des matériaux utilisés !” Pour lui, les graffitis dégradent moins l'environnement que les pubs. “Pourtant, les publicitaires ne prennent pas d'amendes, même lorsqu’ils installent leurs panneaux sans autorisation ! Ils sont grassement payés et utilisent de plus en plus le graffiti comme support. C’est injuste !” Par exemple, une des dernières pubs de Nike a été conçue par des graffiteurs et le logo des TGV s’en inspire (alors que la SNCF réclame des millions d’euros de dédommagement aux tagueurs). Michael enchaîne : “On fait partie du plus grand courant de peinture de tous les temps : on peint des surfaces de plus de 700 m2, en travaillant des thèmes, des couleurs, des compositions, comme Michel Ange dans les églises !” Il s'enorgueillit d'avoir fait une fresque sur le droit de vote des étrangers. Grâce à son talent, il anime des ateliers d'expression graphique dans des centres culturels de la banlieue parisienne et vient d'ouvrir une boutique de vêtements avec Mamadou, son pote musicien. Le bail du local a pu être payé grâce à leurs prestations dans la peinture et le rap. Il s'insurge : “Pour les graffeurs issus de milieux modestes, trouver une banque qui accorde un prêt relève du parcours du combattant ! ” “Pourquoi ne pas embaucher les graffeurs” s'étonne Marmotte, “Les lieux tagués coûtent moins cher à la collectivité que le nettoyage car ces peintures durent plusieurs années”. Michael ajoute: “On ne demande rien d'autre que de vivre dignement, on devrait nous payer pour décorer tous les endroits sinistres ! ”

Josée H Couvelaere-Leclercq

(*) Slam : poésie/ art oratoire qui permet à chacun d'improviser en prenant la parole.       (1) Anne dans la revue “Graffiti” no 12

 

 

 

 

 

 

 

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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 18:14

Mon témoignage de mai 1968 à la campagne et dans les usines. En Isère et en Savoie. Il y a peu d’informations sur cette période dans nos campagnes, et peu d’articles sur les grèves dans les usines en 1967 et début 1968. Ces grèves étaient durement réprimées par la police et mollement soutenues par les syndicats. Dans les facs, il y avait aussi d’importantes mobilisations pour dénoncer les archaïsmes et les inégalités de la société conservatrice et liberticide (je pense par ex. à l’impact du livre « Les Héritiers » écrit par Bourdieu et Passeron). Les manifestations contre la guerre au Viet-Nam fédéraient les multiples groupes de contestation.

La manif partie de la Sorbonne à Paris le 3 mai 1968 a eu un grand retentissement sur notre mobilisation. Les infos diffusées à la radio étaient d'une importance capitale pour nous, les provinciaux. Nous suivions les « évènements » de Paris en continu, l’oreille collée au poste de radio. Au ton fébrile et souvent enthousiaste des reportages, à l’ambiance survoltée, aux slogans des manifs, on comprenait qu’il se passait des choses exceptionnelles à Paris.

A Grenoble, la mobilisation a vraiment commencé le 6 mai lorsqu’au cours d’une réunion à la fac, une délégation d’ouvriers et de paysans est venue parler de leurs revendications et a sollicité notre aide pour renforcer les piquets de grève devant les usines. Il fallait empêcher les « jaunes » de travailler. Les occupations d’usines et d’entrepôts ont été nombreuses dès le début du mois de mai malgré l’hostilité des syndicats et du parti communiste.

Les militants gauchistes les plus actifs ont immédiatement quitté la fac pour aller soutenir les ouvriers en grève. Un enthousiasme communicatif les animait car ils appelaient à la grève générale, sachant que sans les mobilisations ouvrières et paysannes, les luttes ne pourraient pas aboutir. Or la rébellion s'étendait partout. A partir du 14 mai, la plupart des usines étaient occupées par les grévistes. Les étudiants rejoignaient les ouvriers sur le terrain, en manifestant devant les usines, en distribuant des tracts et en renforçant les piquets de grève.

Les syndicats essayaient d'empêcher la convergence entre les étudiants et les ouvriers. Pensez donc, ces gosses de riches qui n’ont aucune idée de la condition ouvrière et qui rêvent de foutre la pagaille ! C’était sans compter, d’une part, sur des ouvriers solidaires du mouvement étudiant, choqués par la violence de la répression, et qui voulaient mettre en avant leurs propres revendications, et, d’autre part, sur les étudiants et lycéens fils d’ouvriers et de paysans, moins nombreux certes que les élèves issus de la bourgeoisie et des classes moyennes, mais suffisamment représentatifs, en province, pour fraterniser avec les ouvriers. En fait, nous étions nombreux à avoir des grands-parents issus de la classe ouvrière et surtout du monde agricole et paysan.

Les syndicats, débordés, ont fini par se rallier aux grévistes. Ils ont "pris le train en marche", pour canaliser et récupérer le mouvement. L’une de leurs stratégies était l’ « enfermement » des ouvriers dans les usines pour qu’ils n’aient pas de contact avec les « gauchistes » qu'ils essayaient, par tous les moyens, de maintenir à l'extérieur des locaux. Leur mot d’ordre était « chacun chez soi » avec banderoles, accordéon, saucisson, tricot, jeux de carte ou de boules. Les anti-grévistes colportaient de fausses nouvelles pour empêcher la jonction d’une usine à l’autre, faisant croire par exemple que telle usine avait repris le travail, alors que c’était faux. Il n’y avait plus de journaux, plus de télé et donc aucune information sur ce qui se passait dans la région et le reste du pays. Des étudiants et des ouvriers se sont alors organisés pour diffuser les infos au moyen de tracts distribués tous les jours aux portes des usines. L’ambiance était parfois très tendue, de vives discussions s’engageaient entre les étudiants qui voulaient pénétrer dans les locaux et les nervis de la CGT qui les molestaient en les traitant de petits bourgeois et de provocateurs, essayant de les déconsidérer et de les diviser. Ils redoutaient la fraternisation entre ouvriers et étudiants mais celle-ci s’est faite à peu près partout, malgré eux.

C’est comme cela qu’un certain nombre d’étudiantes ont partagé la vie des ouvrières pendant les longues journées d'occupation d'usines. Certaines rédigeaient des tracts, d'autres collectaient des vivres, s'occupaient des enfants, tricotaient ou jouaient aux cartes...Nous faisions aussi la quête dans la rue, sur les marchés, dans les facs, les mairies, aux portes des écoles et des commerces pour aider les grévistes à tenir financièrement (les jours de grève n’étaient pas payés). Beaucoup passaient une partie de la nuit à ronéotyper des tracts et des journaux et à coller des affiches. Des étudiants et ouvriers arrivaient dès 4 heures du matin pour grossir et soutenir les piquets de grève devant les ateliers. Nous nous organisions pour faire circuler l’information d’une usine à l’autre, d’un entrepôt à une coopérative agricole, d’un atelier à une cantine. Ces infos relataient l’état des luttes : combien d’usines en grève, combien d’argent récolté, combien de séquestrations de patrons, quelles revendications privilégier, quelles négociations déjà amorcées, etc. Car si les étudiants rêvaient d’un changement qualitatif de la vie, les ouvriers réclamaient des augmentations de salaires et des améliorations de leurs conditions de travail.

Notre soutien aux paysans consistait essentiellement en l’organisation et la tenue de meetings sur les places des villages et des bourgades pour informer la population des évènements qui se déroulaient à la campagne, dans les fermes, dans les usines, les facs et les écoles. Beaucoup de gens assistaient à ces meetings. La plupart avait un proche en grève : un parent, un cousin, un ami, un voisin. La solidarité, d’abord spontanée, s’organisait efficacement, chacun apportant aux grévistes ce qu’il avait : de la nourriture, des vêtements chauds, des livres, des jeux, de l’argent, un sourire…

Il y a eu des moments épiques et parfois émouvants : des étudiants découvrant la misère de la classe ouvrière et des ouvriers nouant une relation joyeuse et constructive avec les "gauchistes". Ces journées de mai ont été celles de la fraternité entre deux mondes qui s’ignoraient, que beaucoup de choses opposaient. La volonté de bâtir une société plus juste et égalitaire s’est concrétisée plus tard par les « établis », des jeunes qui ont abandonné leurs études et leur douillette vie familiale pour travailler en usine et vivre comme les « gens du peuple ». Avec l’objectif, tout de même, de soulever la classe ouvrière « de l’intérieur » et de faire la révolution qui déboucherait sur la construction de la société communiste, sans classe, où chacun vivrait « selon ses besoins ». Beaucoup y ont cru, du moins au début. La révolution n’a pas éclaté mais certains sont restés et ont noué de solides relations professionnelles, syndicales, ou familiales.

Les occupations d’usines furent massives dans la région et la plupart ont duré jusqu’aux élections à la fin du mois de juin. La majorité des grévistes avaient rejeté les accords de Grenelle (signés le 27 mai) qu’ils trouvaient insuffisants. Ils voulaient continuer la lutte et refusaient de «  rentrer ». Il y a eu parfois des scènes déchirantes, où des camarades, leurs espoirs trahis, hurlaient leur colère et leur amertume à la perspective de retourner à leur galère. Quelque chose avait changé dans leur vie, un vent de liberté, une histoire forte avait été vécue qui ne s’oublierait jamais.

L’après 1968 fut difficile. Des groupes croyaient qu’une guerre civile éclaterait. Des militants partirent se former sur les pentes neigeuses de la Chartreuse et du Vercors à « l’art militaire », sous l'autorité d'un instructeur venu de Paris. Outre le plaisir de l'escalade, la formation se réduisit à la fabrication de cocktails Molotov et au maniement du bâton en organisant des batailles rangées entre les Rouges et les Blancs... Devant le ridicule de la situation, l’entrainement vira aux fous rires (au grand dam des leaders) et tout ce petit monde redescendit dans la vallée, un peu penaud certes, mais content d’avoir échappé au pire…Pour ceux qui ne s’étaient pas « établis », 1969 fut l’année des « autocritiques », des interrogations stériles du type Que faire ? D’autres, plus pragmatiques, organisèrent des comités de réflexion sur les prisons et les asiles psychiatriques ou créèrent des journaux (dont "Libération"); des femmes se radicalisèrent en fondant le MLF dont le combat emblématique fut le droit à la contraception et à l'avortement, voir : La bataille de l'avortement

La modernisation de la société et les avancées démocratiques concrétisées au cours des années 1970 et 1980 furent possibles grâce à 1968. Pour n’en citer que quelques unes : la majorité à 18 ans (au lieu de 21 ans), le droit à l’avortement, les radios libres, l’indépendance financière des femmes, l’autorité parentale remplaçant l’autorité paternelle, l’émancipation des jeunes, l’abolition de la peine de mort, le libre exercice du droit syndical, la réduction du temps de travail, l’ouverture aux autres peuples et cultures, la reconnaissance des droits aux homosexuels, etc.

Josée H Couvelaere-Leclercq

Je n’ai pas de nostalgie, je suis contente d’avoir vécu ce beau mois de mai sur le terrain et je livre mon témoignage de "militante de base". On ne revivra pas une telle révolte existentielle, c’est normal, car nous sommes dans une autre époque, et de toute façon, totalement imbibés de l’héritage de 1968. Depuis, il y a eu d’autres luttes importantes, dont certaines sont toujours d’actualité : la mobilisation contre l’expropriation des paysans du Larzac et de Notre Dame des Landes, le droit au logement, la résistance à la « Nuit sécuritaire », les luttes contre le pillage du Tiers monde, contre la pollution et la destruction de la planète, contre le nucléaire, contre les discriminations, etc. Il y a encore plein de combats libertaires à mener, et de rêves à explorer !     50 ans déjà et pourtant la fraternité, la poésie, l'espoir qui ont éclaté pendant ce printemps sont toujours là. Salut camarades! Salut particulièrement à Claude, mon compagnon de l'époque, militant charismatique, dont le père travaillait dans une mine de charbon de la Matheysine, à Marc qui aimait trinquer dans les bistrots pour "être dans le peuple comme un poisson dans l'eau"... à Giordana dénonçant le machisme des "petits chefs" et nos interprétations de Bella ciao!

Josée Couvelaere-Leclercq

 

 Une des affiches de mai 1968

 

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Published by Josée Couvelaere-Leclercq
15 avril 2009 3 15 /04 /avril /2009 11:53

Les soixante douze jours du quatorzième arrondissement de Paris

 

Parmi les principes démocratiques de la Commune promulgués en mars 1871 comme : la participation directe des citoyens à l’élaboration des lois, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’école laïque obligatoire pour filles et garçons, l’abolition des discriminations, l’autogestion, l’égalité des droits pour les femmes et les étrangers, tous ne sont pas encore appliqués et certains ont abouti grâce à de longs combats. Ainsi les femmes n'ont-elles obtenu la totale égalité des droits qu'un siècle plus tard ! Quant au droit de vote des étrangers, reconnu et appliqué pendant la Commune, il est encore débattu de nos jours. Parmi les nombreux étrangers qui ont participé à la Commune, les plus célèbres dans le 14e sont Alfred Billioray (né à Naples), élu à la mairie et le général polonais Kawecki, qui a combattu, avec sa femme Lodoïska, dans le bataillon de Montrouge. Les élus de notre quartier comptaient un grand nombre d’artistes peintres et d’artisans. Trois élus du 14e : Billioray, Descamps et Martelet ont siégé dans le gouvernement provisoire de la Commune de Paris.

 

Les clubs

Des ouvrier-e-s, artisans, simples citoyen-ne-s prenaient la parole dans les clubs. Ces forums de discussion, nés sous la révolution, réactivés en 1848, se sont multipliés en 1871. L'un des plus connus du quartier était au 10 rue Maison-Dieu. A partir de la fin avril, beaucoup s'installent dans les églises : début mai Notre Dame de Plaisance est fermée au culte et transformée en club, l'église Saint-Pierre de Montrouge est séparée en deux par un rideau : d’un côté, le club de discussion, de l’autre le culte. Dans ces “théâtres et salons du peuple”, on pratiquait “l'enseignement du peuple par le peuple”. Les débats, parfois enflammés, souvent graves, s’y déroulaient dans une atmosphère festive.

 

Lucien F HenryLucien Henry dit le "Colonel Henry" est une figure légendaire de la Commune du 14e. Il est arrivé à Paris en 1867, à l'âge de 17 ans. Il s'inscrit aux Beaux-Arts et s'installe en mars 1871 au 91, chaussée du Maine (aujourd'hui avenue), ce lieu devenant un des principaux postes de la Garde nationale. Il adhère à “La Marmite” (1) et à l'Internationale des Travailleurs (première Internationale), collabore au journal “La Résistance”, fondé dans le 14e, et se fait brillamment remarquer dans les cercles blanquistes (2). Le 11 mars 1871, il est élu chef de légion du 14e et devient “le colonel Henry”, à 21 ans. La situation géographique du 14e, qui doit défendre les forts de Vanves et de Montrouge contre les attaques versaillaises, explique l'importance de ses bataillons. Les typographes du 14e, par exemple, ont constitué leur propre bataillon. Celui de Montrouge était composé majoritairement d'ouvriers. Leur courage pendant les combats fera surnommer notre quartier “le Belleville de la rive gauche”. Pas moins de trente-six barricades ont été érigées aux endroits stratégiques de notre arrondissement. Le 3 avril, les troupes fédérées des 13e, 14e et 15e lancent une offensive sur Versailles. Mais les troupes versaillaises, en plus grand nombre, déciment les fédérés. Duval, commandant de la légion du 13e est fusillé. Henry est capturé, exhibé et conspué dans les rues de Versailles. Condamné à mort en 1872, sa peine fût commuée en déportation en Nouvelle-Calédonie. Gracié en 1878, il se réfugie en Australie, où il rencontrera une certaine notoriété en tant que peintre. Revenu en France en 1891, il y mourra en 1896.

 

 

Femmes défendant une barricade pendant la CommuneLa Commune et les femmes

L’esprit rebelle de la Commune a bien été incarné par les femmes. Les citoyennes, souvent majoritaires dans les clubs de discussion, connaissaient les personnalités politiques et la teneur des décrets votés à la Chambre. Chaque club du 14e a ses oratrices. Leurs préoccupations sont avant tout sociales, ainsi l'Union des femmes (3) était-elle liée à la Commission du travail. Elles ont un rôle important dans la mobilisation et les combats, comme vivandières, cantinières, ambulancières. L'égalité des droits pour tous était l'une des principales revendications démocratiques de la Commune mais le temps a manqué pour l'instaurer. A l’exception de quelques figures emblématiques comme Louise Michel ou Elisabeth Dmitrieff, les femmes demeurent le “continent noir” de cette période. On ne sait presque rien de la responsable de l'Union des femmes pour la défense de Paris dans le 14e arrondissement, sinon qu’elle s'appelait Rivière (son prénom reste inconnu) et exerçait le métier de giletière. Les notices biographiques de quelques femmes condamnées à la prison ou à la déportation sont disponibles aux archives nationales. Dans le 14e, on cite Eugénie Desjardins condamnée comme “pétroleuse” à 20 ans de travaux forcés, Madeleine Brulé emprisonnée pour avoir construit des barricades et Anne Gobert condamnée à la déportation.

 

Aucune rue, aucune place du 14ème ne rend hommage aux héroïques combattant-e-s, mort-e-s sur les barricades, ou fusillé-e-s sans procès lors de la semaine sanglante. Pas de lieu de mémoire non plus pour rendre hommage aux communard-e-s massacré-e-s dans les catacombes où ils tentaient de se réfugier. En revanche, deux rues de l'arrondissement portent les noms de farouches ennemis de la Commune: le préfet de police Ernest Cresson et le commandant Durouchoux, agent versaillais.

 

Josée Hélène Couvelaere

 

L'association des “Amis de la Commune de Paris”*, créée en 1882 par les Communard-e-s de retour d'exil est la plus ancienne organisation du mouvement ouvrier français. Son objectif est de perpétuer la flamme et les idéaux de la Commune.

L’association fait appel à témoins. Elle met à la disposition du public les noms connus d'habitants ayant participé à la Commune, dans le but de demander à ceux qui reconnaîtraient des proches de contacter l’association. Ces noms sont ceux des personnes ayant été internées ou déportées. En dehors des personnes répertoriées parce qu'elles ont eu un rôle officiel ou parce qu'elles ont été arrêtées, les historiens ont peu d’informations sur “le petit peuple” de Paris. Des milliers de Communard-e-s sont restés anonymes. Beaucoup sont mort-e-s durant la semaine sanglante et ont été jeté-e-s dans des fosses communes. Peu de périodes de notre histoire ont été à ce point occultées. Peut-être pourrait-on retrouver dans les familles, des lettres, des photos, des objets qui ont échappé à la destruction et apporter ainsi des documents précieux sur cette période de l’histoire dont les archives restent minces.

* 46, rue des Cinq Diamants 75013 Paris. Site Internet: http://lacomune.club.fr/pages/assoc.html

 

 (1) La Marmite: coopérative alimentaire fondée en 1868 par Nathalie Lemel et Eugène Varlin, membres de l'Internationale des Travailleurs. L'un des 4 restaurants coopératifs était situé au 42 rue du Château. 

(2) Auguste Blanqui (1805-1881), théoricien socialiste. Ses idées révolutionnaires et son activisme lui valurent de passer plus de 40 ans en prison. Bien qu'arrêté et mis au secret en mars 1871, son idéologie a joué un rôle important pendant les 72 jours de la Commune.

(3) Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés créée en avril 1871 par un groupe de citoyennes. Chaque arrondissement de Paris avait sa section. 

 

 

Sources :

Marcel Cerf, “La Commune dans le 14 arrondissement”.

René Rousseau, “Charbonneau et Martelet, les oubliés de l'histoire de la Commune”, Editions I.G.C., 1994.

P.H. Zaidman, “Lucien Félix Henry, colonel de la Commune”, Editions du Baboune, 2000.

Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871.

 

Photos d'archives (Lucien Henry et Femmes défendant une barricade).

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 15:24

« L’utopie néolibérale d’un marché pur et parfait suppose la destruction de toutes les résistances collectives. Elle conduira à un monde darwinien où tous luttent contre tous. Et pourtant le passage au libéralisme s’accomplit de manière imperceptible, comme la dérive des continents. » Pierre Bourdieu (1)

J’en ai mare d’entendre parler des « marchés » comme d’une mystérieuse entité. On entend à longueur de journée : « Les marchés s’affolent », «  Les marchés sont inquiets », « Les marchés plongent », etc. Mais qui se cache derrière le terme marché ? Sommes nous donc trop bêtes pour comprendre ?

Pourtant, derrière le mot « marché », il y a des investisseurs qui représentent les grandes banques d’affaires, les fonds de pension, des caisses de retraite, des compagnies d’assurances, etc. Ce serait plus simple si au lieu de marché on nommait ces investisseurs. Pourquoi ne les nomme-t-on pas ? Probablement parce qu’en restant dans le flou, on nous trompe plus facilement sur la portée du désastre financier et sur l’immense pouvoir de cette minorité d’investisseurs sur l’économie mondiale et par conséquent sur notre vie. Le manque de décisions efficaces pour changer de politique économique est lié à la connivence des gouvernements avec ces investisseurs. N’oublions pas que ce sont les gouvernements, l’Etat, nous, qui ont renfloué les banques, alors qu’elles ont ruiné des millions d’individus et d’entreprises. L’Etat a secouru les banques sans réelle contrepartie, sans pouvoir imposer une règlementation efficace des transactions financières. Ceux qui ont provoqué le chaos économique et financier sont toujours aux manettes, ils continuent à s’en mettre plein les poches, jusqu’à la prochaine crise, qui risque d’être pire ?

Alors qu’est ce qu’il se passe sur les « marchés » ? Au cours des 25 dernières années, l’organisation des marchés a fondamentalement changé. Une dizaine d’opérateurs et de banques font la loi en érigeant et imposant des règles qui deviennent la norme mondiale. Une poignée d’investisseurs se partagent le marché des matières premières et dictent leur loi en faisant monter ou descendre les cours en fonction de leurs gains.

 Y a-t-il toujours un pilote sur les marchés ? Eh bien non, l’incertitude règne, car  près de 70% du volume des transactions financières sont effectuées  pas des ordinateurs ! Cela s’appelle le High Frequency Trading, le HFT pour les initiés. Ces transactions sont passées en millionièmes de secondes, ce qu’un être humain ne peut absolument pas faire et encore moins contrôler. Et quelques 20 milliards d’ordres sont passés quotidiennement à Wall Street !

Des ordinateurs ont été programmés selon des schémas mathématiques, des formules logarithmiques que la plupart des individus ne comprennent pas. Ces formules ont été concoctées par des mathématiciens qui sont à la botte d’une minorité d’hommes/femmes qui dominent la bourse et le système économique mondial. A l’origine, il y a l’idée magique du « laisser faire », que l’économie fonctionne selon un schéma lisse, régulier et que les turbulences, les risques finiront bien par rentrer dans l’ordre, par se régulariser tout seuls. L’inspirateur le plus connu de l’économie néo-libérale appliquée par les Nixon, Reagan, Bush, Thatcher et… Sarkozy (freiné actuellement dans ses réformes par la crise financière) est Milton Friedmann, l’animateur de l’école des « Chicago boys », une théorie économique ultra-libérale qui a été appliquée au forceps en Amérique latine dans les années 1970 et 80.

Les idéologues Friedman et Hayek ont été de fervents propagandistes de l’économie néolibérale. Tous deux prônent une lutte acharnée contre l’Etat, contre les services publics, contre les syndicats, contre l’assurance-chômage, contre le salaire minimum, contre le contrôle des prix et des loyers, contre la retraite par répartition et, bien sûr, contre le contrôle des capitaux. Cette doctrine économique largement dominante en Europe et aux Etats-Unis et qui a essaimé partout dans le monde, nous a menés tout droit à la catastrophe économique et financière dans laquelle nous sommes plongés. Cette doctrine est reine au FMI, à la Banque mondiale, à la FAO, à l’OCDE et dans la plupart des pays capitalistes. Elle a été imposée par tous les organismes bancaires et financiers accordant des prêts et des crédits aux pays pauvres. Le résultat est une immense paupérisation due aux  monocultures (imposées au détriment des cultures locales et de la biodiversité), à la mainmise des grands groupes industriels internationaux sur les matières premières, les ressources énergétiques et minières des pays en développement. Ils s’attaquent actuellement à l’agriculture en s’appropriant des terres (en Afrique notamment) et en imposant partout dans le monde l’asservissement de l’agriculture à l’industrie et en particulier aux cultures OGM. Le néo-libéralisme économique est non seulement le pillage organisé du Tiers monde par une minorité de profiteurs mais aussi la destruction programmée des services publics (éducation, santé, justice, culture, police) dans les pays développés.

Ces profiteurs verrouillent l’économie mondiale car ils sont aux postes clés de l’industrie et grâce à leur fric et à leur pouvoir font élire des  hommes et des femmes qui mettent en place toutes les garanties pour que le système perdure. Et lorsque leur cupidité fait plonger la bourse entraînant des millions de faillites, leurs amis politiques les renflouent en faisant payer les pauvres ! (ex de Cleveland aux Etats-Unis).

Dans son livre « La stratégie du choc », Naomi Klein démontre avec une grande clarté comment ce système profite des crises et des désastres (au Sri Lanka après le Tsunami et à la Nouvelle Orléans après Katrina, par ex), au besoin il les crée (comme au Chili et en Irak) pour imposer la loi du marché et la barbarie de la spéculation. On profite de l’état de choc dans lequel est plongée une population pour vendre l’Etat et les services publics à des intérêts privés (2).

Prenons l’exemple du Chili : après le coup d’Etat militaire contre Allende, coup d’Etat financé et organisé en grande partie par la CIA, les économistes chiliens formés à l’Ecole de Chicago se sont empressés de détruire tout ce qui représentait la démocratie au Chili et à instaurer un système capitaliste néo-libéral : privatisation, déréglementation, réduction drastique des dépenses sociales. Ce modèle a été imposé dans la plus extrême violence : tout opposant au régime était arrêté et systématiquement torturé. Des dizaines de milliers de Chilien(ne)s ont été assassinés.

Nous n’en sommes heureusement pas là en Europe mais la crise économique et la montée du chômage peuvent créer des situations propices à la propagation des idées nauséabondes d’exclusion et de stigmatisation de populations (comme cet été la campagne contre les Roms et les immigrés mais aussi les discours haineux contre les fonctionnaires…pour mieux faire passer les privatisations).

 

(1) Pierre Bourdieu. « Cette utopie en voie de réalisation, d’une exploitation sans limite : l’essence du néo-libéralisme », mars 1998.

(2) Naomi Klein. « La stratégie du choc, la montée du capitalisme du désastre ».

 

Josée Hélène Couvelaere - 3 septembre 2010

 

Munch expo oct 2011

 

 

 

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